L’Art du Confinement

Le tonnerre a grondé sur la Terre, d’abord lointain, puis plus près, de plus en plus près. Si près que les hommes, où qu’ils se trouvaient à sa surface, se mirent à craindre la colère des cieux. « Quelle flèche voudrait me transpercer ? et réduire mon existence supposée immortelle, à celle d’un animal traqué ? Quelle foudre voudrait me calciner ? et annihiler mes futiles projets ? » pensaient-il tous. Il est vrai que le virus n’épargnait personne. Les anciens, les fragiles certes, étaient plus enclins à périr sous ses coups, mais de plus jeunes individus en mouraient aussi. Partant de ce constat, il fut décidé que les humains iraient se cacher, s’abriter, se confiner, afin de leur éviter la maladie et afin qu’ils évitent de la transmette à leur tour. « Vous demeurerez enfermés » ! dirent les chefs. Et il en fut ainsi pendant plusieurs lunes… Un beau matin l’orage semblait s’être calmé, et tous projetaient de sortir au plus tôt afin de reprendre le cours normal de leur vie. Pourtant la bête rodait encore…

La suite de l’histoire ? Mais ce sera à vous de l’écrire bien sûr ! Ce court-circuit temporel que représente le confinement auquel nous avons été convié tant par la biologie que la politique, laissera probablement des traces dans l’esprit de chacun. Les créateurs y puiseront certainement matière à leur Art… Attendons de voir ce qu’il en sera.

Être enfermé pour un artiste ne devrait pas être une nouveauté : aurait-on oublié les contraintes et les efforts surhumains qu’a dû représenté pour Michel-Ange la peinture du plafond de la Chapelle Sixtine ? Ne peut-on pas imaginer qu’il s’est donné corps et âme à son oeuvre, sans compter ni les jours ni les nuits, sans penser à autre chose qu’à sa fresque ? A-t-il alors beaucoup profité du siècle, lui qui peignait Dieu ? Gloire à ces héros de l’Art !

Hélas, l’esprit de la Renaissance n’habite plus ce monde : il ne peuple que nos musées, nos souvenirs pourrait-on dire. Aujourd’hui le confort rend toute chose facile. Nos vies de confinées risquent au final de n’être que la somme de ces quotidiens faits de levers, de déjeuners, de dîners, d’informations macabres, d’espoirs divers et de couchers.

Rendez-vous dans le nouveau monde qui ne sera un nouveau monde que par le fait que chaque nouvelle journée est en soi un nouveau monde. Et ce depuis la nuit des temps.

Jérémy Taburchi